Quel est le but de la tension spirituelle?
La tension spirituelle (ou métaphysique) est un état intérieur, une sorte de préoccupation morale et spirituelle. Dans son aspect positif, elle signifie que les croyants détiennent une disposition exceptionnellement forte et déterminée pour tout ce qui est bien et licite. Ils sont préoccupés par de tels sujets et travaillent toujours pour les accomplir.
La tension spirituelle a aussi d'autres significations : un désir pour la religion et pour tout ce qui s'y rattache ; la recherche des pensées et des sentiments religieux de façon ascétique mais avec amour ; la dévotion de l'esprit à la religion comme les amoureux de la poésie mystique qui pensent constamment l'un à l'autre ; la préoccupation de la religion à tous moments et en toutes circonstances ; l'ardeur pour que la religion devienne « la vie de la vie », tout comme les amoureux désirent ardemment la réunion après la séparation. Elle signifie également essayer d'éveiller tout le monde et nos proches en particulier, à la pensée et au sens de la religion comme le but de notre vie ; se sentir affligé et souffrir pour la religion ; établir des systèmes et des établissements pour servir les gens et Dieu tout en s'assurant qu'ils continuent à fonctionner efficacement ; aimer Dieu et son Prophète plus que tout ; et s'attacher étroitement et sincèrement au mode de vie apporté par le Prophète.
Dans son aspect négatif, la tension spirituelle signifie s'opposer à l'incroyance, à l'immoralité et à la corruption ; exprimer cette opposition d'une manière constructive ; fuir le mal, le vice, et les voies et les choses destructives ; et résister continuellement aux péchés et à la tentation.
C'est ainsi que la tension spirituelle peut préserver la vigueur et la vitalité de la foi des croyants ainsi que leur mode de vie. Si les croyants ont une faiblesse quelconque ou s'ils manquent de zèle, ils ne pourront pas être des serviteurs efficaces de Dieu, car accomplir ce qu'Il veut n'est possible qu'avec le désir ardent et l'effort laborieux pour établir l'harmonie, l'ordre et le système voulus par Dieu. Si nous manquons de résolution et de persévérance, ou si nous sommes nous-mêmes influencés par l'incroyance et l'égarement et sommes incapables de nous libérer, nous avons alors perdu notre tension spirituelle. Les vrais croyants ne sauraient faire un pas dans l'égarement, et notre tension doit être totale et exacte, tout comme notre amour et notre désir pour la foi.
Les attitudes à adopter et à rejeter afin de maintenir la tension spirituelle sont définies dans la Tradition du Prophète. Parmi beaucoup de hadiths on trouve les suivants : « Aucun de vous ne pourra être un vrai croyant tant que vous ne m'aimerez pas plus que vos parents et vos enfants » et « Celui qui possède ces trois qualités goûtera la douceur de la foi : avoir pour Dieu et Son envoyé un amour qui surpasse l'amour de tout le reste ; n'aimer les gens que pour plaire à Dieu ; répugner à retourner à la mécréance après que Dieu vous en ait soustrait, de la même manière que l'on craint d'être jeté au feu ».
Ceux qui trouvent et ressentent ces choses dans leur conscience éprouvent leur foi. Si innés et naturels que soient l'amour et les rapports filiaux, notre intérêt pour Dieu, notre amour de Lui, notre relation avec Lui et notre dévotion pour Lui et pour Son Prophète doivent être plus forts. Nous disons cela à la lumière de la logique, de la raison, de la pensée et de la sagesse. En fait, notre intérêt pour Dieu et notre attachement à Lui et à Son Prophète sont une expression de méditation et de perception, de recherche et de découverte. Rien n'est préférable à cet amour, si nous pouvons l'atteindre dans notre conscience en cherchant et en méditant ; il est le premier attribut de ceux qui ont goûté la douceur de la croyance.
Préférer Dieu et Son prophète à tout le reste signifie, dans un sens plus large, préférer les éléments fondamentaux de la foi à tout le reste. Si l'amour de Dieu est dans nos coeurs et la lumière de Dieu sur nos visages, toutes choses existent, et l'existence de chacune a un sens. Autrement, il n'y aurait aucune différence entre l'existence et la non-existence. Les croyants qui intègrent une telle compréhension aiment tous les croyants, et dans une certaine mesure toute la création, sans préjugé, partialité ni arrière-pensées. Il en est ainsi car en s'immergeant dans l'amour de Dieu, les croyants peuvent aimer les hommes et les choses uniquement par amour de Dieu. Cela constitue un rôle très important dans l'établissement de la communauté que Dieu veut.
Il est également important de maintenir la tension spirituelle contre l'incroyance. Les croyants, s'ils ont goûté la douceur de la croyance, doivent ressentir du dégoût et de l'aversion pour l'incroyance, la corruption, la perversion, l'immoralité et l'ingratitude. Celui qui perd cette aversion ne peut pas désirer voir l'incroyance déracinée des coeurs et remplacée par la croyance. Pour réaliser ce but, les croyants doivent avoir une ferveur et un amour profonds pour la croyance et une haine profonde pour l'incroyance. Pour soutenir la tension spirituelle des croyants, et même celle d'une nation et de l'humanité entière, il est nécessaire de s'opposer à toutes les formes de l'incroyance : le mal, le vice, l'anarchie, les troubles et le chaos.
Le plus grand mal que nos ennemis nous aient infligé est la destruction de notre tension spirituelle. Ils ont décrit le djihad (la lutte) contre l'incroyance comme l'oppression et la cruauté, comme la conquête et l'invasion. Selon les termes du poète Iqbal, ils ont transformé les lions d'une histoire glorieuse en brebis. Traités de cette manière, les musulmans qui ont perdu leur tension spirituelle restent en grande partie insensibles à l'invasion, à l'exploitation et à l'humiliation. D'ailleurs ils ne résistent pas, même quand leur fierté personnelle, leur honneur, leur honnêteté ou leur renommée sont attaqués et ternis. Les croyants qui maintiennent leur tension spirituelle acquièrent ce qu'ils désirent ardemment puis évitent et cherchent à éliminer ce que Dieu désapprouve.
Enfin, la tension spirituelle signifie une aversion pour l'incroyance et l'erreur, ainsi qu'un désir fervent pour la croyance. Le point crucial ici est que cette tension ne veut pas dire se battre dans la rue. La tension spirituelle, c'est ressentir la ferveur, l'agitation et les émotions produites par les milliers de combats quotidiens dans notre conscience ; c'est s'affliger des souffrances mentales et spirituelles ; c'est se préoccuper et s'occuper des problèmes des hommes ; c'est être prêt et désireux de risquer tout pour autrui ; c'est « mourir » et « renaître » plusieurs fois par jour ; c'est ressentir la douleur des gens en nous-mêmes quand nous les voyons égarés, traînés vers l'Enfer, et s'y pousser les uns les autres ; c'est éprouver les tiraillements de la conscience d'autrui et les tortures de l'Enfer dans notre propre conscience, tout en vivant dans une atmosphère asphyxiante et mortelle d'incroyance, de fourvoiement et d'ignorance.
De tels croyants peuvent gagner la récompense du martyre en montrant un tel dévouement et engagement. Rien ne peut décourager ou terroriser de tels individus – ni l'aggravation des conditions, ni les circonstances les plus difficiles, ni les ténèbres ou le brouillard (de l'ignorance) – car ils sont immunisés contre l'incroyance. Telle est notre compréhension de la tension spirituelle. Une société qui perd cette tension est déjà spirituellement morte, même si sa forme externe continue d'exister. Dieu permet aux oppresseurs et aux tyrans d'attaquer de telles sociétés, pour envoyer leurs cadavres rejoindre le même sort que leurs âmes déjà parties.
La mort commence dans l'âme et dans le coeur, et passe plus tard au corps. La défaite physique suit toujours la défaite spirituelle. Dieu ne laisse jamais piétiner les personnes qui maintiennent leurs âmes vivantes. Ceux qui n'arrivent pas à soutenir leur tension spirituelle sont destinés à mourir. Ce n'est que pur caprice et fantaisie pour de telles personnes de prétendre avoir une vie religieuse. Et si un renouveau a lieu, c'est parce que certains ont préservé leur tension spirituelle. Dieu est le seul appui et la seule puissance fiables dans toutes les affaires.
Comment la tension spirituelle peut-elle être ranimée?
Le maintien de la tension spirituelle est plus difficile que son obtention. C'est pourquoi la détermination et la persévérance sont nécessaires pour l'obtenir. La tension se distend à cause de la familiarité et de l'habitude. Les croyants peuvent s'habituer à leur cause et peu à peu finir par s'ennuyer. Parfois l'égoïsme, la passion, l'ambition, l'envie, la convoitise, l'avarice, l'amour du rang social, le confort et la léthargie atténuent leur ferveur et l'amour de servir et d'agir pour la cause de Dieu. Un tel développement peut avoir comme conséquence la perte des qualités spirituelles déjà acquises et la paralysie de la volonté. Si les croyants actifs commencent à se trouver des prétextes et ne se rendent pas là où ils devraient aller, leur tension se relâche et ils risquent de la perdre complètement. Sans tension spirituelle, les croyants ne peuvent servir ni Dieu, ni l'islam et les êtres humains.
Fort heureusement, il y a autour de nous des personnes qui devraient être félicitées pour leurs bons exemples. Par exemple, je n'oublierai jamais la réponse d'une telle personne quand je lui ai demandé si elle était restée chez elle quelques jours : « Je ne reste jamais à la maison après avoir entrepris une tâche ».
Les médecins prescrivent des médicaments et des vaccins pour des maladies et nous demandent de suivre scrupuleusement leurs recommandations, qu'on le veuille ou non. Nous prêtons attention à de tels conseils médicaux et les suivons afin de mettre fin à nos troubles physiques. Ne devrions-nous pas être encore plus (ou au moins tout aussi) attentifs à ce qui est prescrit pour nos troubles spirituels? Comment pouvons-nous préserver notre tension spirituelle et finalement atteindre la compagnie du Prophète et de ses Compagnons, si nous ne sommes pas attentifs à ce sujet?
J'ai plusieurs recommandations à faire :
- Ne restez pas seul, car « le loup n'attaque que la brebis qui a quitté le troupeau ». Ceux qui se séparent de leur communauté et qui restent loin de leurs amis seront attaqués par Satan. Leur déclin commence quand ils se mettent à se plaindre de ce qu'ils ne peuvent pas faire. Tant qu'elle dure, cette activité n'est pas si mauvaise. Cependant, ils commenceront bientôt à critiquer et à déprécier les activités de leurs amis, une attitude qui empire peu à peu jusqu'à ce qu'ils nient le but et les idéaux de leur cause et commencent à prétendre que ce qui est fait est inadéquat ou inutile. Quand elles en arrivent là, ces personnes risquent sérieusement de se perdre. Elles ne peuvent être sauvées que si elles se corrigent en mettant un terme à leur absence de la communauté et à leur isolement de leurs amis. C'est pourquoi toutes les portes aboutissant à ce résultat doivent être fermées dès le début.
- Recherchez toujours de nouvelles méthodes pour élargir et raviver votre apprentissage et vos connaissances, la connaissance spirituelle en particulier, et soyez persistant et cohérent dans votre recherche. Dieu a ouvert l'univers comme un livre devant nos yeux et a envoyé des Livres Divins et des Prophètes pour nous enseigner ce livre. D'innombrables saints et savants vénérables se sont élevés dans le savoir et la sagesse, en cherchant à comprendre et à expliquer le livre des Lois (la Charia) et le livre de la création. Telles des abeilles butinant des milliers de fleurs, ils ont contribué à la production du miel salutaire dans leurs ruches du savoir. Tout doit être étudié soigneusement et évalué selon les conditions et la finalité de la Sagesse Divine. Si nous pouvons faire cela, nous pourrons dire alors que nous agissons en harmonie avec la Sagesse Divine. Ceux qui ne peuvent pas faire cela perdent graduellement la vitalité de leurs connaissances et tombent rapidement dans la décadence et la corruption. Après un certain temps, ils deviennent inefficaces.
- La contemplation de la mort est également un facteur important. « Mourir avant de mourir » est l'autre nom de l'accession à la vraie vie. La fin des ambitions matérielles interminables qui nous épuisent n'est possible qu'à la mort, en comprenant que tous nos vrais amis nous attendent, et que le vrai bonheur et la félicité existent de l'autre côté de la tombe.
- Notre idéal le plus noble n'est-il pas de rejoindre l'ami intime (le Prophète), le Paradis et la Beauté Divine? Nous devons faire de notre mieux, et nous ne devons épargner aucun effort dans le chemin qui mène à cela. J'aime beaucoup les chevaux et j'utilise l'analogie du cheval pour décrire les personnes qui poursuivent la cause de Dieu. Un cheval ne dit jamais qu'il est fatigué et ne présente jamais de prétextes en courant ; il galope jusqu'à ce que son coeur s'arrête puis meurt. La mort devient sa raison de ne plus courir. Tous ceux qui luttent pour la cause de Dieu doivent être comme des chevaux – nous devons courir dans le sentier de Dieu, sans faire de pause et sans se trouver d'excuses, jusqu'à ce que nous mourions.
- Choisissez un ami qui vous stimule, qui vous met en garde et qui vous avertit. Un tel ami remarquera votre régression et vous remettra sur la bonne voie en vous avertissant et en vous conseillant. Bien que cela puisse être embarrassant au début, il n'en résultera que du bien.
- Dès que vous sentez un peu de relâchement, de déviation dans votre coeur, et un manque de ferveur, parlez-en à votre ami, il vous aidera à récupérer. Bien qu'au début vous puissiez trouver son conseil un peu dur, voire offensant, il n'en résultera que du bien, car il vous sauvera de situations bien plus pénibles et remplacera votre douleur spirituelle par un plaisir spirituel. Je me suis souvent tourné vers un tel ami, quelqu'un de plus jeune que moi qui était mon élève, et ses suggestions m'ont toujours été profitables. Chacun peut établir une telle relation, à condition qu'elle soit faite de façon désintéressée et pour l'amour de Dieu.
- Nous avons un proverbe qui dit : « Le fer que l'on travaille ne rouille jamais ». Ceci est applicable à ceux qui servent Dieu. Nous sommes naturellement plus concernés par nos affaires personnelles que par celles d'autrui, car même si celles-ci sont importantes en principe, elles ne nous affectent que secondairement et indirectement. Cette disposition psychologique tout à fait normale doit être évaluée et employée soigneusement. Chaque individu doit assumer une responsabilité et une tâche, qu'elle soit petite ou grande, et assurer la possession ou le parrainage des services faits ou à faire.
Aussi longtemps que nous suivrons sincèrement ces suggestions, incha'Allah nous préserverons et renforcerons notre tension spirituelle et nous atteindrons l'horizon des femmes et des hommes actifs au service de Dieu.
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