La Conscience de responsabilité
L’aspect le plus important de l’existence est l’action et le mouvement. L’inertie – inaction – est une autre appellation de la dissolution, de la décomposition et de la mort. Quant à l’action associée à la responsabilité, elle constitue la dimension humaine primaire. Une action et un mouvement qui ne sont pas disciplinés par la responsabilité ne peuvent être considérés comme complets.
La plupart des êtres humains poursuivent divers buts et objectifs. Cependant, à moins que cette poursuite ne gagne de la profondeur par la responsabilité, il est vain d’attendre un bon résultat. Pourtant, les individus à la quête de profits et d’intérêts personnels, travaillent sans relâche avec avidité ; les hommes politiques se rendent partout et prononcent leurs discours captivants; les médias produisent une grande variété de programmes au nom de l’information du public ; certains cercles de la société deviennent plus indulgents à chaque instant tout au long de l’année; des soi-disant hommes religieux sont dirigés par le désir du profit et les indices boursiers chutent et grimpent sous l’effet de la spéculation jour et nuit ; des administrations d’État accordent des subventions seulement à certaines idéologies et à leurs adhérents ; et des gens apparemment intelligents regardent ces nombreux évènements avec la plus grande indifférence. Autrement dit, tout comme les puissants et les oppresseurs oppriment, les opprimés et les écrasés acceptent tout cela le percevant comme une normalité, et le considérant comme une « sélection naturelle » (c’est la loi du plus fort qui prévaut). Par conséquent, tant de choses à faire deviennent plus difficiles à réaliser.
Ce n’est pas vrai s’ils disent qu’une nation peut vivre avec tant d’indifférence, Montrez-moi une nation qui ait survécu sans une spiritualité vivante ? M. Akif Ersoy
Lorsque vous demandez à ces gens « Où allez-vous ? », soit ils vous répondent en citant ces proverbes : « chaque mouton est pendu par ses pattes »[1], ou « celui qui sauve le navire est le capitaine »[2], soit ils vous ignorent, soit ils se moquent de la conscience de responsabilité et vous font des reproches puis continuent dans la même voie. Même avec le comportement le plus insolent, le plus libre et le plus facile, qui provoque des palpitations dans notre conscience, ils répondent de façon absurde « longue vie au serpent qui ne me mord pas »[3]
Hélas, vous pouvez faire face à de nombreuses réactions similaires qui vont se heurter à vos pensées les plus pures et à vos sentiments les plus innocents. Cependant, de même que ces pensées ne peuvent être attribuées aux cœurs croyants et sensibles, dire qu’il s’agit des absurdités et les ignorer ne peut être associé à votre conscience de responsabilité. Tant que nous sommes sous l’emprise de telles pensées, nous ne pouvons pas prétendre être nous-mêmes à l’égard de nos sentiments, de nos pensées, de notre foi, de notre art et de la libre entreprise. De même que nous ne pouvons pas conserver ou protéger notre dignité, notre honnêteté, sauver notre navire et atteindre le rivage sain et sauf, nous ne pouvons pas établir notre propre monde, vivre comme nous le souhaitons, devenir les héritiers de la Terre et atteindre Dieu. Il est temps pour nous de voir la réalité, de défendre nos valeurs acquises en faisant preuve de perspicacité et de nous libérer de tout ce qui ronge notre être et notre personnalité de l’intérieur. Sinon, il sera un jour impossible de conserver même ce que nous avons aujourd’hui.
À une époque, nos ennemis étaient l’ignorance, l’analphabétisme, la pauvreté, la désunion et les tendances doctrinaires. De nos jours se sont ajoutées la tricherie, la brutalité et la coercition, l’extravagance, la décadence, l’obscénité, l’insensibilité, l’indifférence et la contamination intellectuelle. Que ceux qui préservent la pureté de leur religion, la clarté de leur pensée et leur sentiment patriotique et ceux qui partagent des préoccupations similaires à celles que j’ai citées précédemment m’excusent de dire que depuis maintenant très longtemps, nos plus jeunes générations et certaines personnes parmi la génération la plus âgée ont été induites en erreur en raison de leur naïveté. Elles ont été trompées par des idéologies corrompues dont les seuls mérites résident dans leur présentation élaborée. Même si cela est vrai seulement dans certains cercles, expérimenter un tel égarement de la pensée et de la personnalité en tant que nation serait la véritable invasion de ce pays béni. En fait, c’est seulement alors que le Sultan Mehmed II, le Conquérant serait empoisonné, le Sultan Mourad I poignardé, le Sultan Yildirim Bayazid mort de chagrin et le Sultan Yavuz Salim affecté par une tumeur. Cela n’est rien de moins que le massacre de l’esprit de la nation qui est sorti vainqueur de la Guerre Nationale ; un massacre mené par le mal de l’époque, par l’insouciance de l’intelligence et l’indifférence des masses.
Nous sommes chargés de la responsabilité de doter notre monde d’un esprit nouveau, construit sur la base d’un amour de la foi, d’un amour des autres êtres humains et d’un amour de la liberté. Nous avons aussi été chargés de la responsabilité d’être nous-mêmes, liés au principe de ces trois amours et de préparer le terrain pour les pousses, les racines pures de l’arbre béni du Paradis afin qu’il soit entretenu et qu’il pousse dans le terreau de ces amours. Cela dépend bien sûr de l’existence de héros qui vont prendre la responsabilité et assurer la protection de la destinée de la nation, de l’histoire, de la religion, des traditions, de la culture et de toutes les choses sacrées qui appartiennent au peuple. Cela dépendra de héros qui sont absolument remplis d’un amour de la science et de la connaissance, grandissant avec l’idée d’améliorer et de construire, sincères et pieux au-delà de toute mesure, patriotiques et responsables et par conséquent toujours consciemment au travail, responsables et en service. Grâce à ces héros et à leurs efforts sincères, Notre système de pensée et de compréhension et le fruit de celles-ci prévaudront dans notre peuple ; le sens du dévouement pour les autres et pour la communauté gagnera de l’importance ; la compréhension de la division du travail, de la gestion du temps et l’assistance et la liaison avec autrui seront ravivées ; toutes les relations autorité-sujet, employeur-employé, propriétaire-locataire, propriétaire de terre-paysan, artiste-admirateur, avocat-client, professeur-étudiant deviendront des aspects différents de l’union. Cela sera possible lorsque toutes nos attentes des époques passées se réaliseront, l’une après l’autre. Nous vivons maintenant à une époque où nos rêves se réalisent et nous croyons qu’en choisissant le bon moment, chacune des responsabilités de l’époque auront été accomplies.
C’est la base de nos rêves et de notre vision. La première et principale façon de les réaliser passe par la conscience et l’éthique de la responsabilité. Comme l’inertie complète est une mort et une désintégration, et l’irresponsabilité dans l’action est désordre et chaos, il ne nous reste pas d’autre alternative que de discipliner nos actions avec la conscience de la responsabilité. En effet, toutes nos tentatives devraient être mesurées par la responsabilité. Notre voie est la voie de la vérité, notre cause est de détenir et d’élever la vérité et notre objectif est de chercher l’agrément de Dieu dans toutes nos actions. Agir ainsi est l’aumône que nous donnons pour avoir été créé en tant qu’être humain et la raison et la justification de notre volonté. Il est de notre devoir de chercher le but de notre vie, de nous éveiller à l’amour dans nos âmes, de comprendre ce qu’est la responsabilité dans notre conscience. De même, nous devons montrer la voie qui mène à la science, la connaissance, l’art, la moralité et la sagesse à ceux qui sont dans un système dont les principes, les fondements, la lumière et la force motrice sont puisés de la foi et de l’amour. Nous sommes les serviteurs de cette mission que nous ne pouvons abandonner. Nos efforts, que nous espérons concrétiser selon la ligne et la spiritualité de tous les amis de Dieu — les saints (awliya), les sincères (asfiya), les bons (abrar) et les proches (mouqarrabin) — seront le commencement d’une seconde Renaissance.
Jusqu’ici, chaque époque a connu son miracle : la renaissance de l’humanité au sixième siècle, le renouveau des tribus turques et des nations par l’islam au dixième siècle et la métamorphose dans la province de Sögüt d’une petite chrysalide en magnifique papillon ottoman. Je suppose que le miracle du vingt-et-unième siècle sera que notre peuple et les peuples qui nous sont liés vont atteindre leur juste place dans l’équilibre international des pouvoirs. Une telle émergence, qui va changer le courant et la direction de l’histoire du monde, tournera autour de l’âme, de la moralité, de l’amour et de la vertu. Par la lutte spirituelle que nous pouvons aussi appeler « une lutte pour la connaissance, la moralité, la vérité et la justice », nous croyons que les générations qui ont jusqu’ici été laissées sans protections ni idéaux vont vivre une nouvelle résurrection similaire à la joie intense d’atteindre la bannière des prophètes dans le champ de la résurrection, la bannière sous laquelle tous les croyants vont se rassembler.
[1] Un proverbe turc qui signifie que chaque personne est responsable d’elle-même ou de ce qu’elle a fait.
[2] Un proverbe turc selon lequel celui qui réussit est considéré comme une personne capable ; j’ai maintenant réussi quelque chose, je suis capable, j’ai le potentiel, ou la maîtrise totale, donc je vais essayer d’utiliser au mieux les opportunités qui se présentent et de récolter leurs produits ; si vous êtes capable, faites-le aussi, sinon laissez-moi tranquille.
[3] Un proverbe turc qui signifie : peu m’importe que les mauvaises personnes vivent longtemps tant que leurs mauvaises actions ne m’atteignent pas.
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