Le principe d'action positive comme base
L'une des dynamiques les plus fondamentales du mouvement Gülen est que le principe directeur d'un individu devrait être d'élaborer une attitude positive dans tous les domaines. Nous devrions nous éloigner de toute attitude ou tout comportement qui pourrait pousser le public au combat, au conflit, au pessimisme ou à des tensions. Un homme peut avoir des qualités et des capacités de génie, mais s'il n'entretient pas des relations harmonieuses avec la société, il n'y a aucun moyen d'en tirer profit. Quand on s'attend à ce que des individus soient capables et habiles, on devrait aussi s'attendre à ce qu'ils s'entendent. Cela ne veut pas dire qu'un individu doit laisser de côté ou oublier ses préférences et expériences. Au contraire, c'est le portrait d'une personne en paix à la fois avec la société et avec elle-même.
Gülen a un modèle d'homme dont les aspects sociaux ont été mis en avant. Mais au niveau personnel, il conseille aux gens d'être des individus « complets ». Car il est impossible pour quelqu'un qui n'a pas acquis un caractère indépendant, avec un intellect, une pensée, de l'expérience et des capacités personnelles, de faire une contribution de qualité à la sphère sociale. Il a apporté une ouverture sur « l'homme parfait » (insan al-kamil), comme ce caractère humain élevé est nommé dans la littérature islamique classique soufie, une ouverture qui s'intéresse au domaine social. En fait, dans son système, c'est l'ouverture qui définit son modèle idéal de l'homme qui sacrifie ses propres plaisirs de la vie et qui d'une certaine façon vit pour les autres. Un tel homme peut prendre comme base uniquement l'action positive puis la porter plus loin.
Déjà dans les années 1970, Gülen donnait des exemples tirés des expériences vécues par les Compagnons du Prophète Mohammed et les Apôtres de Jésus, les premières générations de l'islam et du christianisme. Il offrait à son auditoire des thèmes de foi authentique et pure des deux périodes. Il n'y a pas de rigidité politique, idéologique ou fondamentale dans ces générations. Ce sont des générations honorables qui ont mené une vie moyenne dans la société, et qui étaient en général pauvres mais toujours consentantes. C'étaient des siècles où les gens pleins d'abnégation, altruistes et sans prétention étaient très nombreux. Ces gens sans prétention, simples mais remplis d'abnégation, qui étaient presque ascètes mais restaient joyeux, profondément passionnés et loyaux envers la religion, ont trouvé les fondations idéales dans le mouvement Gülen. Ces gens brillaient comme des perles parmi les traditions sans pitié, pleines d'ignorance, de préjugés et de sévérité ; leur humanité et leurs sentiments éthiques n'étaient pas souillés par cette froide ignorance. Ils étaient positifs dans toutes leurs actions ; il n'y avait rien de déplacé. Ils étaient les Compagnons loyaux de Jésus et de Mohammed, la paix soit sur eux.
En fait l'action positive ne contient aucun sentiment reporté ou stimulé en son coeur. L'Ère du Bonheur (la période des Apôtres et des Compagnons) est l'idéal que Gülen porte en lui. À la base de cet idéal, il n'y a pas de nostalgie ou de défaitisme à être le porte-parole d'un groupe de personnes qui n'existent plus. Le défaitisme du dicton « les hommes de bien ont enfourché leurs montures et sont partis » a entraîné le regret du passé dans de nombreux mouvements. Mais dans le mouvement Gülen, l'accent qui est mis sur l'Ère du Bonheur est à la fois un exemple idéal et un modèle que les gens peuvent suivre aujourd'hui. Beaucoup parmi les fidèles de ce mouvement ont fait un sacrifice d'eux-mêmes si grand que l'on en a jamais vu de semblable depuis l'Ère du Bonheur. Ils ont fait preuve d'une loyauté et d'un altruisme dans leur compréhension du service seulement comparables aux gens de cette période. En cela la perspective que Gülen a apportée au comportement humain contemporain, et le principe d'action positive qu'il a développé ont tous les deux joué un grand rôle.
La sensibilité du mouvement se différencie des mouvements qui prétendent représenter un retour à la manière de vivre islamique et des approches fondées sur des slogans qui sont la norme des courants contemporains. Les slogans de ce genre mettent l'accent sur une sorte de programme politique partant du sommet et s'élargissant en descendant vers les ordres inférieurs. En d'autres termes, ils se rapprochent d'un modèle en corrélation avec l'islamisme classique. Ils soutiennent que s'il n'y a pas de transformation de haut en bas, le retour vers un style de vie véritablement islamique est presque impossible. Cependant le mouvement Gülen ne se concentre pas seulement sur l'Ère du Bonheur. Gülen souligne constamment l'horizontal autant que le vertical – c'est-à-dire l'axe du progrès individuel et social autant que l'axe de la spiritualité. Selon cette idée, il n'y a pas de chose telle qu'un « retour à l'islam ». Il faut plutôt comprendre que si la personne est croyante, il ou elle est musulman(e) sous n'importe quelle condition et doit agir comme un(e) musulman(e). Voilà celui ou celle qui ressent l'islam de façon sincère et vit dans la joie, sans nourrir d'autres prétentions. L'exemple le plus essentiel de ce comportement est l'Ère du Bonheur et la pratique des Apôtres et des Compagnons. Par dessus tout, les Compagnons vivaient l'islam avec une loyauté pure et sincère. En vivant ainsi, ils n'avaient aucune préoccupation politique ou idéologique. Ils essayaient de communiquer l'islam qu'ils ressentaient et vivaient sans faux semblant. Malgré les conditions sociales rigides qui les entouraient, ils insistaient sur leur réputation islamique et morale, et sur le fait d'agir favorablement. Ils n'attendaient pas l'avènement d'une période politique ou idéologique. Dans la vie pure de l'islam, soutient Gülen, il n'y a pas de place à un tel cas ou à une telle affirmation.
Dans le mouvement Gülen, l'idéal de l'Ère du Bonheur ne correspond pas à un retour à l'islam ou à des sentiments reportés à plus tard ; cela exprime une vie consciente à l'intérieur de l'islam. Les Compagnons représentent la manière de vivre l'islam au quotidien et d'une façon très consciente. Pour cette raison, les idéaux de retour aux premiers exemples islamiques, considérés comme l'indicateur du radicalisme et du fondamentalisme islamique dans l'analyse des mouvements sociaux, ne sont en aucun cas en accord avec l' « Idéal de la Période du Bonheur » que l'on trouve dans le mouvement Gülen. Gülen a essayé d'élaborer un modèle pour l'homme qui prend comme base l'action positive de ces exemples. Il a essayé d'agir ainsi tout le temps où il était conférencier religieux dans les années 1970 avec ses discours, ses écrits, ses articles et ses conversations, et avec les établissements éducatifs qu'il a encouragés – une vie de service s'étendant sur plus de trois décennies.
La dynamique de l'action positive est l'une des fondations spirituelles au coeur du succès des activités d'éducation et de dialogue dans lesquelles le mouvement de Gülen s'est engagé. Si l'on ne comprend pas l'enthousiasme et l'amour du service que ce mouvement donne à l'individu ordinaire, on aurait de grandes difficultés à comprendre le pouvoir mystérieux qui se cache derrière les tâches difficiles mais efficaces que les membres du mouvement effectuent dans toutes sortes de régions défavorisées du monde. L'action positive englobe presque toute l'activité du mouvement. Les mouvements idéologiques prennent au contraire comme base le combat, le conflit, la confrontation et la dialectique, et récoltent ainsi tout leur enthousiasme et leur énergie des tensions qu'ils créent dans l'homme et dans la société. Ils ne peuvent pas accomplir leurs actions et atteindre leurs buts sans mettre en place une manière d'agir négative, sans jouer avec les sources vitales de la société. Naturellement, chaque mouvement a un système de valeurs positives auquel il s'accroche. Sinon il serait incapable d'acquérir une base large. Mais si l'action positive n'englobe pas toutes les dynamiques internes et externes du mouvement, il ne lui est pas possible de développer des relations cohérentes solides et durables avec le public. C'est pourquoi l'action positive est parmi les dynamiques de base du mouvement Gülen.
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